Et si ce n’était pas un détour, mais le chemin ?
Il y a quelque temps, je me suis prêtée à un exercice d’écriture au cours d’un atelier. La consigne était simple : imaginer une suite à la phrase :

« La Marquise sortit à cinq heures. Elle pleurait… ».
J’aurais pu prendre cette phrase comme un jeu littéraire, mais ce jour-là, quelque chose a résonné autrement. La Marquise n’était pas seulement un personnage.
Elle devenait un archétype, une figure familière. Celle que nous incarnons parfois malgré nous, en portant un masque, un costume bien repassé et souvent très lourd à porter.
Il faut parfois traverser des vies qui ne sont pas les nôtres pour retrouver celles que nous avions oubliées.
Les rôles que nous endossons sans bruit
Nous jouons des rôles. Tous. Certaines de ces figures nous ont été confiées très tôt : la gentille, la responsable, celle qui s’adapte. D’autres, nous les avons enfilées pour répondre à des attentes, pour trouver notre place, ou simplement pour survivre. Et à force de porter ces costumes, nous finissons parfois par oublier qu’il s’agissait d’un rôle.

Dans ma réflexion autour de ce texte, j’ai imaginé une femme égarée dans une vie brillante mais vide de sens. Je vous en partage un extrait :
« Elle n’en pouvait plus ! Depuis l’aube, elle s’était apprêtée, mis ses beaux habits, maquillée, coiffée pendant des heures. Tout ça pour eux, pour paraître. Tous ces aristos ! Elle n’en pouvait plus. Elle prenait la pose au bras de Monsieur le Marquis. Comme elle jouait bien la comédie ! Personne ne se doutait de rien. Elle qui par le plus grand des hasards s’était retrouvée à porter les habits d’une vraie marquise.«
Je crois que cette image parle à quelque chose de profond en nous. Car il nous arrive à tous de devenir, un peu malgré nous, les figurants d’un scénario écrit par d’autres.
Quand le masque glisse
Puis vient un moment, parfois brutal, parfois lent comme une goutte qui creuse la pierre, où le costume devient trop étroit. Une fatigue s’installe.
C’est parfois un événement qui vient tout bousculer. Et soudain, ce que nous pensions être une chute est en réalité une ouverture.
Ce que nous croyions être une erreur, un échec ou une perte de sens devient une révélation.
Ce n’était pas un détour.
C’était le chemin.

Car ces périodes où nous nous éloignons de nous-mêmes ne sont pas vaines. Elles nous apprennent. Elles nous forgent. Et parfois, elles nous ramènent à qui nous sommes, avec une lucidité neuve.
Se souvenir de soi
J’ai souvent observé, dans mes accompagnements, que ce qui amène à consulter, à entamer un travail intérieur, n’est pas une crise spectaculaire. C’est plutôt un glissement progressif. Une impression de ne plus se reconnaître. D’avoir laissé quelque chose derrière soi, sans savoir exactement quoi.
Alors nous commençons à écouter autrement. À poser un regard plus honnête sur ce que nous vivons. Et dans ce mouvement-là, discret mais courageux, quelque chose se réaligne.
Ce n’est pas une rupture avec ce que nous avons été. C’est une réconciliation. Un retour.

Et si vous vous demandiez quel costume vous portez encore ?
La vie nous entraîne parfois dans des bals masqués où nous finissons par croire à son propre rôle. Et puis un jour, nous nous rendons compte que ce n’est pas là que nous respirons.
Les détours, les rôles, les silences, tout cela faisait partie du chemin. Car ce n’est qu’en s’étant un jour oubliée que la Marquise a pu se souvenir de celle qu’elle était vraiment.
Alors aujourd’hui, j’ai juste envie de vous poser une question :
Quel rôle jouez-vous encore sans vous en rendre compte ?